L'inconnu du nord-express (Strangers on a train) 1951 Alfred Hitchcock
Ce film est méchant, vilain, vicieux, qu'on en juge : Miram est vénale, d'une sensualité vulgaire qui ne s'en cache pas (faut la voir déguster sa glace quand elle se rend compte que Bruno la reluque). Quand on la voit se faire étrangler (magnifique scène de meurtre, dans un parc d'attraction qui plus est, le meurtre est un jeu, un spectacle), on a l'impression qu'elle l'a bien cherché. Et on voit bien que c'est le bad guy qui intéresse Hitch, il est complètement siphoné du bocal, fascinant, puissant, alors que les gentils de l'histoire sont bien ternes, et attire peu la symphatie. D'ailleurs Guy n'est pas tout net, Bruno est que la projection de ses désirs refoulés. Il n'y a que Barbara (Patricia Hitchcock) qui remonte le niveau de ce milieu bourgeois (tennis et réception...), qui amène de l'esprit. Nasty. (vu en 2020)
La Loi du silence (I Confess) 1953 Alfred Hitchcock
Celui-là est assez innatendu, se déroulant au Quebec (!) dans l'ombre sinistre d'imposantes églises, catholiques (!!), à peu près dénué de virtuosité, d'humour, de spirit. Tout ça pour dire que ça ne signifie pas que ce soit mauvais, loin de là. Le mari (Roger Dann), qu'on voit peu, a une attitude exemplaire dis-donc. (vu en 2020)
Entre le ciel et l'enfer (Tengoku to jigoku) 1963 Akira Kurosawa
Décidemment Kuro aligne les grands films depuis les années 50. Il structure celui-là en trois actes distincts : d'abord le huis-clos, puis le "police procédural", enchaîne avec une plongée expressioniste dans les bas-fonds de Tokyo, avant de conclure avec un final qui te la coupe, littéralement. Ciel et enfer, riches et pauvres, quartiers huppés et taudis, cupidété et moralité, conscience et folie, irréconciliables, inséparables. Toujours aussi clair et solide, un style qu'il semble maitriser au plus haut point maintenant, relevé par la musique géniale de Masaru Sato. C'est très fort, parce que sur le papier, il n'y a rien de bien excitant, et c'est tout le savoir faire du Kuro d'en tirer un film tendu, implaccable et haletant. (vu en 2020)
L'Éffrontée 1985 Claude Miller
Lost in translation 2003 Sofia Coppola
Un dispositif léger, un Tokyo qui évite la visite touristique - heureusement - tout de stimuli pour la vue et l'ou!ie, Bill Murray pour la comédie, Scarlett Johannson pour le charme, une chouette bande son, tous les ingrédients sont là pour renouveler la comédie romantique. On plane avec ces persos jetlagués et détachés, même si tout n'est pas réussi, Murray cabotine un peu, certaines scènes sont foirées, en trop (la call girl), mais le charme opère à fond. C'est tout autant un reportage sur ces deux stars, assayant le statut d'ìcone de l'un et observant l'autre le devenir. (vu en 2020)
Le Grand alibi Stage Fright 1950 Alfred Hitchcock
Il y a les grands films d'Hitch, et il y a ces petits où l'on trouve beaucoup à aimer : Marlène Dietrich (la classe, et des répliques qui tuent : "C'est très jolie, si on peut appeler jolie une robe de deuil. Y aurait-il moyen d'ouvrir le décolleté ?"), des beaux plans comme la porte d'entrée qui s'ouvre sur la robe ensanglanté, ou le regard angoissé de Jane Wyman qui pensent qu'elle va y passer, dont seuls les yeux émergent de l'ombre, le coup de la poupée, la vie comme représentation théatrale, et le théatre comme vie (un classique). Ce bon petit film rappelle sa période anglaise. (vu en 2020)
Les Amants du capricorne (Under capricorn) 1949 Alfred Hitchcock
J'avoue, je confesse mon appréhension avant d'envoyer celui-là ; Hitch et les films en costumes n'ayant rien donné de bon jusqu'alors. Eh be je me suis fais cueillir par ce superbe drame romantique. Ça commence mollement puis l'attention est captivée dès la rencontre avec Joseph Cotten, puis ça devient peu à peu irrésistible. C'est d'un romantisme mortifère (les pastels relevés de couleurs claquantes de Jack Cardiff servant bien la chose), on sent une odeur de putréfaction derrière les rideaux. Quand apparaît Ingrid Bergman, on comprend que ça va forcément mal tourner. Quelques détails incongrus mettent la puce à l'oreille : le personnel de cuisine se fait fouetter par la gouvernante (dans une belle scène voyeuriste qui a du plaire à De Palma), l'air perdu et les pied nus d'Ingrid pendant la réception, la tête réduite, et bien sûr cette gouvernante, digne cousine de Mme Danvers. Celle-ci est carrément flippante dans une scène très hitchcockienne qui marque. On sent mariner les les sentiments et les passions inavouables de ces personnages tourmentés, magnifiés par de somptueux longs plans très mobiles, le must étant cette scène ou Ingrid confesse son passé à son cousin, tournant autour de lui, changeant dix milles fois d'expression. Encore un très beau Hitch, plus concentré sur le suspens que sur les personnages, dont le romantisme morbide annonce Vertigo. (vu en 2020)
Les Salauds dorment en paix (Warui yatsu hodo yoku nemuru) 1960 Akira Kurosawa
Toujours aimé ces films de gangsters où, plutôt que la mafia, les gangs de blacks ou de latinos, les ordures sont les cols blancs des grandes compagnies ou des fonctionnaires. Corruption, meurtre, vengeance et Toshiro Mifune tiré à quatres épingles dans son costume trop étriqué pour contenir sa formidable présence (on dirait que sa chemise va se déchirer quand il s'énerve). Kuro est maître de son art, impeccable, solide, dynamique, à l'aise avec ces mecs en costumes et les lignes droites de leurs bureaux, les tatamis et les volets de papiers de leurs belles demeures. Ça finit pas bien, of course. (vu en 2020)
Big man Japan (dai-nihonjin) 2007 Hiroshi Matsumoto
Le "pitch" est suffisamment drôle : un reportage sur un gars qui peut se transformer en "Big man Japan", soit un mec en slip de la taille d'un building, employé par le gouvernement pour protéger le Japon contre des monstres improbables (mon préféré : Evil Stare Monster"). Entre deux combats, un journaliste et un cameraman, toujours hors champs, suivent partout ce mec déprimé par son divorce, par son boulot, par les remarques blessantes de la population qui suivent ses interventions en mode téléréalité et qui le trouve ringard et démodé, par son agent qui loue des emplacements de son corps aux sponsors. C'est drôle et triste, loufoque, surréaliste, touchant. Hiroshi Matsumoto a l'air de faire son film dans son coin, en dehors de toute influence, avec soin et obstination. Ça fait du bien de savoir qu'un gars fait ce cinéma là. (vu en 2020)
Sanjuro (Tsubaki Sanjuro) 1962 Akira Kurosawa
Kuro lâche du leste sur le fond mais pas sur la forme, son histoire de ronin bourru qui donne un coup de main à une bande de jeunes naifs en lutte contre un salaud de gouverneur et sa clique, ne sacrifie rien sur la mise en scène, plus claire, solide et lisible que jamais, et on regarde le tout avec un sourire grand comme ça sur la figure. Cette fois il réussit ses scènes de comédie (je pense à la forteresse cachée et aux deux paysans un peu lourds). La star c'est of course Toshiro-san, qui somnole, baille, se gratte partout, jure, mais il s'en fout, c'est lui le meilleur, question sabre et malice (il annonce les Zatoichi et Ogami Itto à venir), et c'est lui qui vient mettre du goût dans cette histoire à base de jolis jardin jardin japonais et de jeunes samourais trop lisses. Les combats aux sabres installent Kuro au firmament de la discipline. Il clot son film de bien belle maniüre : on croyait que c'était pour rire ? On n'y connait rien ! Le plan final, Sanjuro s'en allant, de dos, la caméra le suivant en plan serré, raccorde sur le plan d'ouverture de Yojimbo qui, bien que tourné avant, pourrait en être la suite directe. (vu en 2020)
Yojimbo (Yojinbo) 1961 Akira Kurosawa
Là encore, très étonné de découvrir ce film d'action de la part d'AK, qui arrive à renouveler son syle avec une belle vigueur. Mifune est délicieux en ronin cool et mal rasé,. Surtout, le film surprend par son défilé de gueules cassées, de saloparts hirsutes (quelque chose des monstres d'un cirque), par son ton irrévérencieux, son style impur, par cette greffe batarde et sacrilège du chambara et du western, les déopuillant de leur classicisme, les souillant d'une certaine impureté. Faut quand même reconnaître que Leone a quasiment tout pillé, tel un des persos du films. A noter la musique en rupture de Masaru Sato. (vu en 2020)
Le Silence des agneaux (The Silence of the Lambs) 1991 Jonathan Demme
A force de le revoir, je me détourne de la "performance" d'Anthony Hopkins (l'arbre qui cache la forêt) et m'attarde sur cette amérique abandonnée du bon dieu, crasse, déprimante, filmée dans des tons vert moisis brun dégeulis, sur Clarisse, dont la tristesse l'emporte sur la peur et le dégoût, sur Clarisse encore dans cette cave, banale antichambre de l'enfer, le rythme cardiaque au maximum, le souufle court, tenant son revolver d'une main qui tremble beaucoup trop, alors que la bête, protégée par l'obscurité, l'observe, fascinée. (vu en 2020)
La Forteresse cachée (Kakushi-toride no san-akunin) 1958 Akira Kurosawa
Après Les Bas-fonds, tu m'étonnes qu'AK s'est dit que ça va comme ça, et qu'il ait voulu tourner un bon film d'aventure des familles, et accessoirement de faire un carton. Mission accomplie, c'est assez étonnant, surprenant même, de voir un film du Maestro en écran large (en Tohoscope), dont les habituels thèmes et préoccupation, s'ils ne sont pas absents, se font plus discrets et laisse la place au plaisir. On retrouve avec bonheur son solide sens formel, ses images qui claquent et un Toshiro Mifune en grande forme. Cette princesse graçonne et farouche (Misa Uehara) est aussi un superbe personnage, il faut la voir bridant le Toshiro. Le duel à la lance est un grand moment de plaisir (le clou du film). Les deux va-nu-pieds assure la couleur comique, légère, mais j'avoue que je les trouve un peu fatigants, ce qui prouve que la comédie n'est pas ce que Kuro maitrise le mieux. Mais c'est pas grave, c'est quand même super bien. (vu en 2020)
Les Bas-fonds (Donzoko) 1957 Akira Kurosawa
Il faut de l'abnégation pour arrive au bout de ce Kuro raté alors que l'on a les vitres à faire et les photos à trier. C'est l'adaptation d'une pièce de théatre russe et, à part la transposition au Japon, Kuro à du penser que la pièce se suffisait à elle-même, qu'il lui suffisait de la filmer telle quelle, je vois pas autre chose. Le film dure deux bonnes heures et pendant la première, ben on n'y voit guère plus qu'une bande de miséreux partageant une piaule sordide et s'envoyant des vacheries. Un prologue d'une heure en quelque sorte. Puis à la moitié, la logeuse laisse entendre à l'un d'eux, qui est aussi son amant, que s'il tuait son mari ça serait pas plus mal. Ah, enfin de l'enjeu, pense-t-on. Tu parles, il se passera pas grand chose jusqu'à la fin, qui verra le mari y avoir droit, dans une scène assez confuse. Puis un long épilogue, qui ressemble beaucoup au prologue. Ouf ! Il y a sans doute quelque chose qui m'échappe (la pièce raconterais la lutte révolutionnaire de ces crève-la-faim contre leurs propriétaires, bon...), n'empêche, c'est sans rythme, on cherche en vain le style du maître que l'on connait, mais il semble ici sans imagination. Même Toshiro Mifune est à l'étroit et a de la peine à imposer son personnage. Pénible. (vu en 2020)