Par où commencer ? Voilà un film unique, personnel, qui brasse beaucoup de choses : on y trouve, entre autre, réflexions sur le couple, sur les liens aux parents, sur la critique de cinéma, sur la vieillesse, la dépression, l’arbitraire des pensées qui résonnent dans notre mental, l’illusion, la perméabilité entre la fiction et la réalité... C’est une espèce de scénario univers, fait des intérêts ou obsessions diverses de Charlie Kaufman, finalement pas très enthousiaste quand à l’existence en général, les emprunts aux codes du film d’horreur sont explicites à ce sujet. Là où un Woody Allen aurait beaucoup fait parler ses personnages de leurs petites misères, où les souvenirs et fantasmes seraient clairement reconnaissables, Kaufman tisse un film volontairement confus, ou toutes ses idées et leur représentations deviennent comme poreuses, se déconstruisent, se contaminent les unes les autres, et qu’il va falloir décoder (ou chercher sur le net) pour donner du sens à ce que l’on vient de voir. Il apparaît au final que tout ceci est le portrait du paysage mental confus, désespéré, d’un vieil homme dépressif. La maîtrise de la mise en scène frappe immédiatement et tient le coup tout du long : assez étonnant d’accoucher d’un film aussi riche (et long, un peu trop ? Comme un film sur deux aujourd'hui, me semble) avec seulement une poignée de scènes (grosso modo : deux scènes de voitures, une chez les parents, une au lycée) ; il faut arriver à filmer deux personnes qui causent dans une voiture pendant plus d’une demi-heure, sans qu’on sache encore dans quoi on trempe (et remettre ça une heure après !), non seulement sans ennuyer mais encore en se montrant passionnant. Kaufman arrive à charger toutes ses scènes d’une multitude de détails (la chambre de Jake) qui méritent plusieurs visions (on a envie de s’attarder dans cette chambre, d’y chercher des pistes qu’on sait y s’y trouver). Et Jessie Buckley et Jesse Plemons sont tops. (vu en 2020)