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La Diablesse aux 1000 Visages
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28 novembre 2020

Les Géants et les jouets (Kyojin to gangu) 1958 Yasuzô Masumura

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C’est la guerre du caramel dans le japon d’après guerre. Dans les départements publicité, c’est à qui aura la meilleure idée. En 1958 déjà, Masumura brosse le portrait d'une société japonaise décérébrée (qu'on étend sans problème a l'occident, on est pas comme ça), de ces grands groupes industriels qui ont décidé d’occuper le temps de cerveau disponible de chacun afin de l’empêcher de penser et de vendre leur produit (oui, ça fait penser à quelques uns qu'on connait). Les caramels World vont avoir une idée qui aura de l’avenir : fabriquer une starlette puis s’en servir pour promouvoir leur fléau dentaire. Le discours du responsable du département est édifiant : “Ils valent moins que des chiens. Ils ne pensent pas. Ils travaillent comme des esclaves puis se saoule le soir venu. TV, radio, films, jeux, ils n’ont pas le temps pour penser. C’est là qu’on intervient, on envahit leur tête vide avec notre message…”. Tu as dis visionnaire ? Masumura emballe cette critique féroce dans une forme pop acidulée dont le rythme ne nous laisse pas le temps de penser non plus. Il n’y a pas vraiment de personnages auxquels se rattacher, entre les membres du conseil d’administration et leur obsession des diagrammes orientés nord-est, le publiciste agressif, la starlette décérébrée, même l’assistant qui semble avoir encore une conscience finira par suivre le mouvement, on ne comprend d’ailleurs pas trop pourquoi, ça doit être un truc typiquement nippon. Cette femme bossant pour une société concurrente, et accessoirement l’amante de l’assistant, semble un personnage intéressant, pas assez développé à mon goût. (vu en 2020)

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26 novembre 2020

Courant chaud (Danryû) 1957 Yasuzô Masumura

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Yuzo est chargé de redresser les finances d’un hôpital, et par là-même la fortune de la famille qui le détient. Une infirmière craque pour lui, lui même n’est pas insensible au charme de la belle fille des propriétaires. On a affaire à une histoire où les intrigues amoureuses se mélangent aux intérêts personnels des nombreux personnages, Yuzo, droit dans ses mocassins, étant le seul qui ne poursuit aucun but sinon mener à bien la tâche qui lui a été assignée. Malgré sa loyauté et son désintéressement, ou à cause d’eux, il sera poussé dehors par à peu près tout le monde. Le constat de Masumura sur ses contemporains n’est pas reluisant, tout le monde ne pense qu’à sa situation, seul l’amour inconditionnel de l’infirmière semble trouver grâce à ses yeux. Pourtant il ne force jamais le trait, préférant se concentrer sur le rythme de son récit, diablement efficace. Il réussit tout, les confrontations dans les bureaux, les demandes en mariages sur la plage, les coups de poings dans la gueule ou les aveux par-dessus un bol de ramen. L'œil s’attarde sur un profil en contre-plongée, sur cette manière dynamique de meubler le cadre propre au réalisateur. Je pense sincèrement que ce gars était si doué qu’il semblait pouvoir raconter n’importe quoi. (vu en 2020)

25 novembre 2020

Showgirls 1995 Paul Verhoeven

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Oui ça parle d'Hollywood, c’est connu, et il y a quelque chose de libérateur à voir ce monde clos (entre les deux plans d’autostop, on est “à l’intérieur”, il n’y a jamais d’horizons) exposé ainsi. Verhoeven parle de la vulgarité (entre autre) et utilise les armes de l’ennemi contre lui : la mise en scène est très belle, virevoltante, mais tout est kitsch, vulgaire, outré, du plus mauvais goût, parce que c’est comme ça, et parce qu’il aime ça ; il pourrait faire sienne la citation d’Helmut Newton : "il y a deux obscénités en photographie : l’art et le bon goût". Les rares personnages “du bon côté" s’en prennent plein la gueule, et les autres, eh bien, baise et ramasse le fric. Le bas de la pyramide est glauque, mais Nomi découvre que plus on s’élève, plus c’est dégueulasse. Derrière la version sexy trash d’Eve, un film de guérilla. (vu en 2020)

24 novembre 2020

Jeune fille sous le ciel bleu (Aozora musume) 1957 Yasuzô Masumura

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La petite Yuko, élevée à la campagne par sa tante, part pour Tokyo, histoire de renouer des liens avec sa famille et de chercher sa vrai mère, eh oui son papa a fricoté avec une secrétaire à l’époque. Sa belle mère l’accueille froidement et en fait une boniche. Quel bonheur de découvrir ce joli film de Masumura, sorte de drame sentimental léger, concis, frais encore aujourd’hui et sans doute pour longtemps. Ayako Wakao y est charmante, elle n’a pas besoin d’en faire des tonnes, son personnage semble sortir d'elle sans effort. Masumura s'intéresse aux femmes et au Japon de son temps, loin de la tradition mais aussi de ce cinéma contestataire qui commence à apparaître dans l’archipel, bref il fait son cinéma à lui, et c’est si bien qu’on se sent d’attaque pour n’importe lequel de ses films. (vu en 2020)

24 novembre 2020

Doux, dur et dingue (Every which way but loose) 1978 James Fargo

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Philo aime la castagne et son orang-outan. Il s’amourache d’une chanteuse country pas très nette, file une rouste à un gang de motard décoré de croix gammées (et une autre à un flic). Clint continue d’apporter des nuances à son personnage d’anti héros, plus fin que certain pourrait penser. Le film précédent était un passage en force bourrin (L’Épreuve de force), celui-ci est une ballade cool, tendre et jamais dramatique, parfois drôle et subtilement pudique, un véhicule parfait pour que s’y exprime l’intérêt de Clint pour l’americana. J’en ai retardé la vision, je craignais d’y trouver un film un peu ringard, une erreur de parcours, je me trompais, évidemment. La mamie (Ruth Gordon, Rosemary’s Baby) qui tient en joue les motards avec son fusil rappelle Mad Max qui sortira un an plus tard. Et alors ? Rien. (vu en 2020)

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23 novembre 2020

La Chambre bleue 2014 Mathieu Amalric

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Un homme, sa femme, sa maîtresse. Un meurtre. D’accord pour la construction habile qui nous laisse dans l’ignorance le plus longtemps possible quant à l’identité de la victime (la maîtresse? L’épouse? Le mari gênant?), et d’accord sur la fin, où on ne saura pas vraiment qui l’a tuée (me semble bien que c’est la vieille, moi…), il s’agit plutôt de raconter cette histoire de passion sexuelle irrésistible, et comment elle ruine une vie.  A moins que ce ne soit la profondeur contre la surface. On est constamment dans la distance, la référence. Le gros plan du sexe après l’amour de la maîtresse évoque forcément Courbet. La maison du gars fait très Ike’art. Les vacances évoque Martin Parr. Et ce plan des deux amants à la fenêtre pendant un orage ne m’évoque rien, mais évoque sûrement quelque chose pour Amalric, et son lyrisme est un peu déplacé. Dans le bureau du procureur, montrer l’interrogatoire ne suffit pas, il faut faire des gros plans sur l’écran de la greffière, sur les dossiers, etc. Ce style très formel, ce découpage au scalpel, ces référents, se veulent savants, et on regrette qu’Amalric ne se soit pas emparé de son sujet avec la frontalité qu’il aurait fallu, on sent qu’il aimerait bien appeler un chat un chat, mais s’en trouve empêché par, peut-être, son bagage intellectuel, comme on dit. On est donc tenu à l’écart de cette passion et de ces pulsions, on est dans leur dissection, la mise en scène a la froideur du bistouri. Et c'est moi ou la plupart des acteurs (hormis Amalric et Poitrenaux) disent affreusement mal leur texte ?  (vu en 2020)

20 novembre 2020

Torso (I corpi presentano tracce di violenza carnale) 1973 Sergio Martino

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Nul besoin de résumer la chose tant on est dans un script de giallo hyperclassique : des victimes tuées à l’arme blanche par une main gantée de noir, des suspects potentiels, la clef qu’il faut déchiffrer parmis ce que l’on croit avoir vu, le trauma du tueur progressivement dévoilé par des flash backs, etc. C’est la limite de ce genre si codifié, on porte donc son attention sur l’exécution. Eh bien ça m’a bien plu tout ça, malgré ses limites. On y trouve une certaine idée de l’italianité, les femmes est les hommes y sont beau, les villes, les campagnes sont bien agréables, baignées par le soleil, peuplées par des habitants exubérants, on y fait l’amour dans une voiture garée sous des piliers d’autoroute (c’est des clichés tout ça ? Allons…). Le script n’est pas le point fort, on devine sans peine qui est le tueur (moi qui croyait que la culture était un remède à la violence…), son trauma initial est risible, on connaît l’histoire par cœur, pourtant Sergio Martino assure une belle mise en scène et nous ballade dans tout ça confortablement, ne se privant pas de flatter son spectateur avec un érotisme tout transalpin (Monsieur préfère les seins, c'est clair) et avec une bande originale qui fait plaisir. Capiteux comme un fruit trop mûr. (vu en 2020)

19 novembre 2020

Les Baisers (Kuchizuke) 1957

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Kinichi et Akiko se rencontrent en rendant tous deux visite à leur père respectifs… en prison. Ils passent la journée ensemble, puis se quittent plus ou moins fâchés. Conquis par les quelques Masumura vus jusqu’alors, je me lance dans sa filmographie, dont Les Baisers est sa première réalisation. Belle petite histoire racontée en 1h15, jeunesse japonaise en ces années 50 finissantes, en rupture avec la tradition, envie de s’amuser, de se libérer du passé familial, de se faire sa place. Tout l’enjeu pour ces deux jeunes gens est de choisir quelle voie ils suivront, Kinichi s’affranchira-t-il de ses indignes de parents en choisissant Akiko, cette dernière fera-t-elle de son corps un produit afin d’obtenir la caution pour faire sortir son vieux de taule (déjà qu’elle est modèle pour peintre...) ?, bref choisiront-ils de se vendre ou de rester entier, se résigneront-ils à devenir ce que leur entourage souhaite, ou donneront-ils une chance à leur sentiments naissants ? Le sort de l’un est entre les mains de l’autre. Pas de kimono ni de tatami, mais des pères en prison et une mère qui a largué les amarres, un bord de plage et des maillots de bain, une patinoire et une discothèque, des baisers et des coups de poing. (vu en 2020)

18 novembre 2020

Sex hunter (Sekkusu hantâ: Sei kariudo) 1980 Toshiharu Ikeda

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Miki la croquignolette petite ballerine est intégrée plus ou moins malgré elle dans l’école de danse de Madame Akiko, où on enseigne autre chose que le ballet. Elle n’oppose que peu de résistance… Une histoire cul-cul, preuve que de jolies femmes filmées (plutôt bien) en train de faire la chose peut être ennuyeux. Je crois que le sbire d'Akiko dit à Miki que l'on a oublié que notre zone la plus érogène est le cerveau, tu parles Charles ! Guère plus intéressant qu’un film X, la faute à un récit à la histoire d’O mince comme un string. Notons un usage du coca cola dont on ne s’est jamais douté (je savais que c'était bon pour les maux de ventre, mais là...). Toshiharu Ikeda fera mieux avec Angel Guts : Red Porno un an plus tard, puis, mais c’est une autre histoire, avec Evil Dead Trap. (vu en 2020)

18 novembre 2020

La Résidence (La Residencia) 1969 Narciso Ibáñez Serrador

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Un pensionnat pour jeunes filles difficiles au XIXème siècle, des disparitions mystérieuses, sadisme, inceste et sexualité inhibée, voilà pour les ingrédients prometteurs. Corsets trop serrés, tension sexuelle et décor gothique, le réalisateur arrive à installer une atmosphère qui fonctionne. Lilly Palmer en directrice sévère qui cache ses pulsions incestueuses et la furie Mary Maude au jolie minois (quand elle te regarde, on dirait qu’elle veut t’attacher au radiateur) sont indéniablement les points forts du film. Il y a des bonnes idées : les chemises qui rappellent les uniformes nazis, les conduits d’aérations et le grenier où s’expriment les pulsions refoulées, et quelques scènes très réussies, comme la douche bien sûr. On note l'élégance dont fait preuve Serrador et on sent le sous texte, on est bien loin du film d'exploitation. On pense à Psychose, évidemment, et à Suspiria, bien que La Résidence ne s’élève jamais au même niveau. On ne s’ennuie pas, mais on peine à s'impliquer, d’abord la pauvrette Cristina Galbó ne fait pas le poids face au deux suscitées, et le scénario à tendance à faire du sur place, et échoue à rassembler en un tout ses éléments épars. Il y a enfin quelques maladresses flagrantes, comme le retournement du personnage joué par Mary Maude, incompréhensible. (vu en 2020)

15 novembre 2020

Confession d'une épouse (Tsuma wa kokuhaku suru) 1961 Yasuzô Masumura

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La belle Ayako, son mari et son supposé amant font de l’alpinisme, ils décrochent, Ayako coupe la corde qui retient son mari et celui-ci s’écrase plus bas. Elle est accusée de meurtre. Masumura passe le piège du film de procès aisément, en montant celui-ci avec des flash-backs de l’accident, de la vie d’Ayako depuis la rencontre avec son mari, et des scènes en dehors de la salle de procès. Excellemment mis en scène et joué (Wakao, sublime, je l’ai déjà dit ?), l’histoire dépasse le simple thriller. Ayako a-t-elle tué son mari ? Évidemment, remarque elle n’avait pas beaucoup le choix, et elle a sauvé sa vie et celle du jeune homme. Ce dernier était-il son amant ? Ben non mais il ne va pas tarder à le devenir, c’est écrit depuis le début (l’aurait mieux fait de rester avec sa fiancée, l’Ayako n’est pas une femme à marier). Tueuse, femme fatale, amoureuse, courageuse, victime, encore un rôle de femme ambivalent, entourée de mâles dont le sexe dit fort ne sort pas grandi, c’est sûr. Décidément Masumura est grand, ses films s’inscrivent toujours dans un genre précis, ils n’ont pas la prétention d’être définitifs, mais sont menés d’une main sûre et au-delà de leurs propos, toujours pertinents, ils sont simplement impeccables. De quoi donner envie de tous les voir... (vu en 2020)

15 novembre 2020

Baisers volés 1968 François Truffaut

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Antoine Doinel se fait virer de l’armée, va d’un petit métier à l’autre (les métiers chez Truffaut, encore…), d’une femme à l’autre, de la putain à la bourgeoise mariée… On comprend aisément pourquoi la moitié des spectateurs masculins (toutes les femmes aiment Truffaut) n’aiment pas ce film. En 1968, il nous conte une futile  histoire d’embourgeoisement, et en plus il nous met du Charles Trenet dessus. Pas de problème en ce qui me concerne, j’aime bien cette histoire désuète (le style lui ne l’est pas), voir même ce refus de l’actuaréalité (c’est bien pratique de fabriquer ses propres mots), et le jeu “à côté" de Léaud (et sa façon de remonter sa mèche). Antoine Doinel, ce délicieux égoiste comme dit ma femme, ce héro. (vu en 2020)

15 novembre 2020

Le visage d'un autre 1966 Hiroshi Teshigahara

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Un psychologue conçoit un masque pour un gars défiguré suite à un accident. Ce dernier doit lui faire un rapport journalier de son expérience. Méconnaissable, il se met en tête de re-séduire son épouse. Parallèlement, une jeune fille au visage défiguré du côté droit, vit ses derniers jours avant son suicide. J’aime bien ce cinéma japonais des années 60 qui mêle avant-garde et questions existentielles. On y trouve pêle-mêle de la sculpture, du design, de la musique expérimentale, du collage, sans que ce soit foutraque. Les personnages aiment y réfléchir tout haut. Si les expérimentations sont intéressantes, le meilleur moment est plus classique, quand notre homme, avec son nouveau visage, drague sa femme (très bonne Machiko Kyô). Et sinon, à quoi donc réfléchissent-ils ? Quelque chose comme : le visage n’est-il qu’un masque ? Qu’y a-t-il dessous ? Peut-être aucune trace d’individualité, dans ce cas le masque ne nous définit-il pas ? En perdant son visage, notre homme n’a-t-il pas perdu son humanité ? Sa femme lui fait remarquer qu’elles, les femmes, portent un masque en permanence, en signe d’humilité… Sans doute moins abouti que La Femme des Sables, mais très stimulant.

12 novembre 2020

Passion (Manji) 1964 Yasuzô Masumura

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Une femme raconte son histoire à un homme aux airs de professeur (qui est-il ? Tanizaki lui-même ?) : Sonoko, c'est d'elle qu'il s'agit (Kyoko Kishida, La Femme des Sables) tombe raide dingue amoureuse de Mitsuko (Ayako Wakao, jolie coupe de cheveux), belle manipulatrice qui l’entrainera au bord du précipice. Masumura remet ça, a savoir une femme qui par sa beauté subjugue son entourage et l’entraine vers sa perte. “Comment est-ce possible d’avoir un corps aussi superbe ? Pourquoi m’avoir caché si longtemps cette pure merveille ? C’est trop ! J’ai envie de te tuer !” s’exclame Sonoko après avoir prié Mitsuko de se déshabiller. Évidemment, il n’est jamais clair si Mitsuko est bourreau ou victime, les deux sans doute. Masumura n’a cure d’ancrer son récit dans un quelconque réalisme, le film est tissé de l’obsession du réalisateur pour le corps féminin, dépositaire de la plus grande beauté qui soit et source des plus grands tourments. Ayako Wakao est comme d’habitude impériale, notre regard scrute chaque courbe de son anatomie (quelle nuque, quelles épaules !), Kyoko Kishida, par contraste, est toute en bouche, grands yeux et extrême sensibilité. Le film est un écrin pour les deux actrices. Comme Sonoko devant sa maîtresse, on s’écrit qu’il est scandaleux de faire des films aussi beaux. (vu en 2020)

12 novembre 2020

Only god forgive 2013 Nicolas Winding Refn

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Bah, résumer l’histoire n’a pas beaucoup de sens, disons qu’on y trouve un policier façon ange exterminateur (Vithaya Pansringarm, vu dans Godspeed, le genre qui rigole pas aux blagues), d’un beau gosse qui a du mal à s'affranchir de sa castratrice de môman, et de cette dernière, donc, Kristin Scott Thomas en blonde aussi vulgaire que peroxydée (carrément pas reconnue). On retrouve l’univers dernière façon de NWR, qui me convient parfaitement, c’est poseur, beau, inégal, chaque scène doit être forte, ça prends les codes narratifs usuels à contre-pied, l’intuition, ou le subconscient, étant aux manettes du récit, ça n’a peur de rien et ça a tendance glisser entre les doigts quel que soit le bout par lequel on le prend. On dirait que le film est fait pour plaire aux fans et emmerder les autres. L’immersion en Thaïlande est très réussie. Et la musique ! Du coup j’ai téléchargé le CD. C’est mieux que Drive, bien sûr. (vu en 2020)

10 novembre 2020

L'Ange rouge (Akai tenshi) 1966 Yasuzô Masumura

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L’infirmière Sakura Nishi est envoyée au front, pour soigner les blessés nippons, pendant la guerre sino-japonaise. Elle se donnera corps et âme à sa tâche, offrant un réconfort charnel malgré elle à un soldat, puis volontairement à un autre, amputés des deux bras (pas pratique, comme il le remarquera bientôt…), s’offrant enfin au docteur Okabe dont elle tombe amoureuse. Il n’y a pas vraiment de place pour la psychologie, les motivations de l’infirmière restent obscures et peu importantes, de même le film ne cherche pas le réalisme, cette histoire est plutôt un pretexte pour Masumura d’allier à nouveau sexe et mort, passion charnelle et destruction, en un engrenage fatal. Contrairement à Tatouage sorti la même année, la femme de l’ange rouge n’est pas une mante religieuse qui pousse les hommes vers leur fin, bien qu’elle s’en fasse le reproche, elle a au contraire quelque chose de christique, mais reste une femme animée par le désir d’être aimée et à un rôle centrale dans la destinée de ces trois hommes. En somme, l'infirmière Nishi réunit la sainte et la putain. Le contraste entre les scènes de boucherie et cette femme toute de pureté (l’uniforme, la croix, le visage) et de sensualité (le corps sous l’uniforme) est saisissant. Au milieu des décombres et des corps mutilés, Ayako Wakao rayonne littéralement, le noir et blanc semblant là pour mettre en valeur son uniforme (elle est si parfaitement éclairée que la lumière semble émaner d’elle). Masumura compose ses cadres avec un soin d'esthète, chaque photogramme est une merveille. C’est ce qui en fait un film troublant, on y voit des bassines de membres arrachés et d’autres joyeusetés du même genre, et c'est insolemment beau. (vu en 2020)

9 novembre 2020

Edmond 2005 Stuart Gordon

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Edmond pête les plombs, il en a ras le bol de sa femme, de son boulot, frustré, malheureux, il largue tout et s’embarque pour une nuit sans retour. Pourquoi pas ? A mon avis l’ami Edmond a surtout besoin de s’envoyer en l’air, comme lui suggère cet inconnu dans un bar. Il va d’abord déchanter, tout le monde le prend pour un guignol et n’est intéressé que par son fric. Il faudra qu’il devienne un meurtrier pour qu’il éprouve enfin l’exaltation d’être en vie. Ouais. Il y a un drôle de discours sur l’aliénation de l’homme blanc, en opposition au black qui, refusant de travailler, de jouer le jeu, serait plus libre. Ou quelque chose comme ça. Vraiment ? On suit avec un certain intérêt le voyage d’Edmond au bout de la nuit, jusqu’à ce que le film, dans son dernier acte, quitte le premier degré et se mette à ressembler à une pièce de théâtre off et arty, dans une fin complètement ratée. Mamet est à l’origine de ce mauvais scénario, on retrouve d’ailleurs ses complices habituels (Macy, Montegna, Pidgeon). Stuart Gordon vient du théâtre, ce n’est donc pas si surprenant que ça de le retrouver dans la bande. Et si je continue à m’intéresser à lui, au moins pour sa crudité, et sa façon franche de mêler sexe et horreur, je pense de plus en plus qu’il n’est décidément pas un bon réalisateur. (Vu en 2020)

9 novembre 2020

Le Jeu de la dame (The Queen's gambit)

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L’ascension de Beth Harmon au top des échecs mondiaux, dans les années 60, et de son addiction aux p’tites pilules vertes et bientôt aux bouteilles de rouge directement au goulot. D’abord je dois dire que c’est agréable à suivre, comme un paquet de m&ms, c’est pas très bon mais on le fini avant de s’en apercevoir. Sans doute grâce aux décors vintage parmi lesquels on se promène comme dans un jardin botanique, c’est pas the real thing mais la ballade est sympa et ludique. Mais surtout grâce à Anya Taylor Joy, magnétique comme dit l’autre (l’épisode 1, où elle n’apparaît pas plus de dix secondes, est le moins bon). Après il faut reconnaître que ça ne parle pas de grand chose (la condition des femmes et tout ça, d'accord…), le série annonce ses intentions, mais ne développe rien, reste en surface, sans surprise (voir le résumé ci-dessus, tout est là). Bref, un joli flacon.

Et les échecs dans tout ça ? Je précise que je joue, pas bien, mais beaucoup. On sait que ce n’est pas simple de filmer une partie, que la plupart de celles que l’on voit au cinéma sont ridicules, du point de vue du joueur (il n’y a qu’un bon film sur le sujet à ma connaissance, à savoir La Diagonale du Fou). Ici, admettons qu’ils ont fait de gros efforts de vulgarisation et qu’ils arrivent à rendre la chose sexy, quitte à en rajouter dans le spectacle (en réalité, on ne joue pas aussi vite, et les joueurs ne se regardent pas après chaque coup façon prends ça dans ta gueule, nabod). Seulement cette vulgarisation, justement, donne trop souvent l’impression qu’on énumère le petit lexique échiquéen pour les nuls (on parle des ouvertures dans l’épisode 1, du blitz dans le 5, etc.) et voilà tout. Enfin si ça donne envie à quelqu’un de jouer c’est déjà quelque chose. Je ne pense pas qu’on puisse montrer les échecs au cinéma (regarder une partie si on n’est pas joueur soi-même, c'est plus ennuyeux qu'un Rivette (j'ai vu Merry-go-round il n'y a pas longtemps...)), mais on peut certainement montrer ce qu’est un joueur professionnel, et la série évite soigneusement de le faire, le noble jeu est réduit à un rôle décoratif, comme les robes de Beth, comme les décors dans lesquels elle évolue. (Vu en 2020)

7 novembre 2020

L'Homme qui aimait les femmes 1977 François Truffaut

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J’avais un très bon souvenir de ce Truffaut et c’est avec joie que j’accueillais cette version HD diffusée sur Arte, en attendant le bluray. On est d'abord un peu perplexe devant ce récit éclaté, qui ne prend guère la peine d’apporter du liant entre ces “épisodes”, ces effets trop voyants (ces jambes de femmes en surimpression) et ces femmes un peu trop faciles (sûr qu’aujourd’hui, bref…). Mais très vite le portrait de cet homme l’emporte, entier, assumant son obsession, sa solitude, sa blessure, et le film d’apparaître très personnel, peut-être le plus intime et le plus truffaldien de son auteur. Ça n’était sans doute pas évident de se livrer ainsi, sans vulgarité, sans voyeurisme ni autosatisfaction. Notons qu’on ne suit Morane qu’avant et après  mais jamais pendant la chose (a une exception près, inattendue, qui n’en semble que plus sulfureuse). On ne peut qu’être du côté de Morane (aussi sombre et triste soit-il), sinon de qui d’autre ? Notons au passage les éléments immédiatement reconnaissables : la mère, le petit chat devant la porte de la chambre, le drôle de métier, et Morane lui-même, en extension de son personnage dans La Mariée était en noire… (vu en 2020)

7 novembre 2020

King Kong 1933 Merian C. Cooper, Ernest B. Schoedsack

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De revoir le King Kong de 1933, de loin le meilleur (l'unique ?), que j’ai toujours adoré, ça donne quoi ? C’est d’abord un excellent film d’aventure, la jungle y est très belle (la jungle en film, un vrai sujet de thèse), de nombreux plans tirant parti des jeux d'échelles, maquettes, incrustation et fonds peints (?) composant des plans superbes qui assurément ont une bonne place dans notre imaginaire, leur pouvoir de sidération ayant changé avec le temps vers une poésie désuète mais toujours chargée d’un charme et d’un pouvoir de suggestion intacte. En d’autres termes, le film n’a pas vieilli et s’est même sûrement bonifié. Profitons-en pour glisser que la mise en scène est discrète, subordonnée aux nombreux défis techniques, à la direction artistique, ce qui fait de King Kong autant un film de Cooper et Schoedsack que de Willis O'Brien, un film de collaboration et de producteur, et pas n’importe lequel puisqu’on c’est Selznick himself. Le film est joliment érotique, c’est connu, Fay Wray y est finalement plus objet que sujet, objet du désir et de la perte de Kong, qui n’est pas le monstre mais le véritable héros du film. Film qui reste assez direct, ne s’embarrassant pas de subtilité et surtout pas de longueur, ce qui sied bien à son sous texte, et c’est précisément lui qui l’élève au delà du blockbuster de divertissement qu'il devait être alors : l’annihilation de notre sauvagerie originelle, primitive, dans son acceptation la plus large, destructrice donc, mais aussi siège de notre instinct, de notre entièreté, par la civilisation, dans ce qu’elle a de plus discutable (technologie, destruction de masse, spectacularisation de la société). Kong apparaît donc comme le dernier réceptacle d’une part de nous-même à jamais perdu. Nostalgique. (vu en 2020)

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